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L’ouverture du cœur, WeiChi, Zanshin :

Se protéger tout en étant capable de percevoir l’éclosion des fleurs de cerisier

       En art martial comme en Médecine Traditionnelle Chinoise et Japonaise une des premières images qui vient à l’esprit est celle de la défense pour garder, reconquérir son intégrité physique et sanitaire. Le WeiQi/ Weichi/Gaiki et l’état de Zanshin sont régulièrement mis en œuvre dans ce but premier.

       Le WeiChi est l’énergie protectrice, gardienne, défensive, qui se manifeste entre autres par 3 champs autour du corps, circule non seulement dans les méridiens mais également dans la peau, les tissus, les organes. Sa bonne circulation est capitale car sa fonction première est d’assurer la défense externe du corps, à l’image d’un système immunitaire (contre les agents pathogènes, chocs, variations climatiques…). Ce Weichi sert également au réchauffement et à la nutrition interne des viscères, muscles, de la peau, à la régulation de la température corporelle. Cependant s’arrêter à cette image de barrière serait réducteur. Il assure en effet un rôle dans la perception de notre environnement ainsi qu’une fonction d’ouverture et de fermeture. Ce Ki défensif, protecteur, peut se représenter tel le Limes (frontière) romain dans l’Antiquité : capable d’être ouvert pour les échanges lorsque le contexte le permet et de se fermer, de faire barrière face aux attaques externes. Contrairement à ce que peut évoquer le tracé de ce dernier sur une carte historique les fortifications et les renforts de troupes n'étaient pas continus, surtout renforcés dans les zones ou les peuples voisins se montraient hostiles. Il ne constituait pas une barrière imprenable mais contrôlait et permettait le mouvement des peuples (militaires, civils, marchands). Cette frontière était ouverte et les échanges pacifiques établis lorsque le contexte le permettait.

        On ne peut prendre le risque de s’ouvrir que lorsque l’analyse de ce qui nous entoure est juste pour éviter les mises en danger. Nous venons de le voir, le Ki défensif joue un rôle important dans cette perception de l’énergie extérieure.

       Nous pouvons faire ici un lien avec Zanshin : littéralement « l’esprit qui demeure » et qui est (pour une part seulement) un état de vigilance, d’attention continue (sans effort mental). En art martial comme à la Kokoro Ryu du CDRAM, cet état de vigilance est conscientisé, travaillé pour percevoir ce qui se passe autour de nous, pour être capable de réagir face à une attaque, un imprévu, de façon neutre, pour éviter d’être surpris. Cependant cela ne signifie pas être fermé, en mode rempart perpétuel. La perception de notre environnement c’est aussi avoir la capacité de voir, d’être sensible et de relever le beau autour de nous.

        L’ouverture du cœur n’est ainsi pas l’opposé des principes martiaux ou de MTC. Là aussi, pour trouver un équilibre et une harmonie, entre Yin et Yang, cela ne signifie pas à l’inverse s’exposer émotionnellement et psychologiquement à tout vent (surtout en période Bois du printemps !), cela suppose d’être capable de se protéger lorsque cela est nécessaire mais surtout d’être capable de percevoir la beauté fugace quand elle passe. La lame de l’oracle Akasha d’Emily Nicolle l’illustre magnifiquement avec cette fenêtre qu’on a choisi d’ouvrir sur un beau jardin et des fleurs. La tradition japonaise de l’Hanami qui entoure la période de l’éclosion des fleurs de cerisiers est justement sur le point de démarrer. Véritable rappel de la fugacité des choses, de l’alternance des cycles (elle annonçait la saison du riz) c’est un rappel pour prendre le temps de percevoir le positif éphémère mais au combien réel dans notre quotidien.

       Il est possible de se préserver tout en levant les barrières pour accueillir ce qui nous nourrit. Il est possible d’être un « guerrier pacifique » pour reprendre le titre de Dan Millman et un des credo de mon école, la Kokoro Ryu.

Profitez-en, il est bientôt l’heure de s’asseoir et de contempler l’éclosion des fleurs de cerisier.

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2024:Entre Asie et Grèce ancienne
activer la chance de l'Homme,
saisir le Kairos

      Les San Cai 三才 sont les 3 puissances de l’Univers en Asie, engendrées par le Yin et le Yang : le Ciel (Tian/Ten), L’Homme (Ren/Jin), La Terre (Di/Chi). Ce sont les 3 éléments nécessaires pour que quelque chose se manifeste. Le concept se retrouve dans les fondamentaux des arts taoïstes. Si on ne peut pas tout maîtriser, il laisse cependant la place au libre arbitre. La Chance du Ciel correspond à ce qui nous est donné lors de notre incarnation sur Terre, notre potentiel énergétique, génétique. La Chance de la Terre correspond à l'énergie provenant de notre environnement. Il peut être amélioré par les techniques du Feng Shui par exemple mais il peut très bien échapper à notre contrôle (naître dans un pays en guerre n'augure rien de bon). La Chance de l'Homme en revanche nous reste accessible, c’est le domaine sous notre responsabilité. Par le mode et hygiène de vie comme la respiration et l'alimentation, par l'équilibre énergétique qui peut être apporté lors de séance des shiatsu, d'acupuncture, de réflexologie par exemple, par notre capacité à prendre des décisions, nous pouvons agir et déployer notre potentiel, au moins en partie.

Il ne s’agit pas de tomber dans le fatalisme, la culpabilité ou à l’inverse dans le narcissisme en se pensant tout-puissant mais bien de saisir sa chance en activant celle de l’Homme, en posant des actes, en modifiant ce qui peut l’être à notre échelle de façon adaptée, avec la juste mesure. Ces concepts sont une invitation à l'action.

 

On ne peut s'empêcher de penser ici au Kairos καιρός des Grecs. Le terme, la notion sont nés en Grèce antique. On peut essayer de le traduire par le « moment opportun, favorable ». Il est représenté par un jeune dieu tenant une balance (le moment où tout peut basculer) avec une touffe de cheveux : il faut l’attraper à l’instant où il passe et offre une prise. Trois choix s’offrent alors à nous :

-on ne le voit pas

-on le voit mais on ne réagit pas

-on le voit et on le saisit par les cheveux.

Nous sommes ici à la rencontre de plusieurs couples de notions : temps et action, compétence et chance, général et particulier, temps objectif et temps subjectif.

 

            Il sera d'autant plus aisé de le saisir et de réagir avec une sagesse pratique, avec une juste mesure (selon Aristote) que le corps et l'esprit seront préparés à l'avance à cette possibilité. Une sphère Bois (Foie, Vésicule Biliaire) bien équilibrée, en particulier autour du méridien Vésicule biliaire permet de mobiliser le courage de prendre des décisions. Le médecin ou le praticien par exemple en shiatsu sont également soumis au même principe puisqu'il s'agit de savoir apporter un soin adapté au patient, au receveur, au moment opportun. De plus, le Kairos dépend en partie de facteurs externes et ne peut donc être vraiment prévisible. Il s’agit donc d’aiguiser et d’acquérir une justesse du regard pour le reconnaître. Cela suppose de savoir percevoir ce qui nous entoure, d'ouvrir l'œil pour réellement voir ces opportunités.

 

            Nous rejoignons ici l'état de Zanshin  残心 (littéralement « laisser là l'esprit, l'esprit qui demeure »), soit l'état de vigilance, d'attention continue sans effort, non seulement pour percevoir le danger mais également pour être capable de saisir paisiblement le beau autour de nous et d'y être sensible. C'est un état d'ouverture sur notre environnement, loin de la crispation qui tendrait à faire devenir méfiant et qui remettrait immanquablement des œillères. Il s'agit d'être prêt pour réagir à l'instant T, de la manière la plus adaptée et juste, que ce soit en mode yang (face à une agression) ou en mode yin (sensibilité à un élément harmonieux à proximité). L'état de zanshin sous-tend également une poursuite de l'intention, une persistance de la pensée après le geste. Nous retrouvons cet aspect en art martial, pour permettre la continuité au Ki généré et envoyé dans un coup porté afin qu’il se déploie, qu’il forme une vague jusqu'à traverser le corps de l'adversaire. En Kyūdō (弓道) (art traditionnel japonais du tir à l’arc) par exemple la notion recouvre la dernière phase du tir : c’est le prolongement de l’attention et du regard sur la flèche après son départ, sans laisser les émotions ni l’énergie se disperser. Tout comme dans d'autres arts japonais tels l'Ikebana (arrangement floral), le Chadō (茶道) (la voie du thé) ou le Sumi-e (peinture à l'encre noire) par exemple. Si nous revenons au temps de notre opportunité il va falloir être à même en un instant de la percevoir, de réagir de façon adaptée et mesurée, de la saisir mais également d'en faire quelque chose par la suite, de lier des actions en chaîne et de poursuivre le mouvement qui vient de s'initier.

 

 « Les vrais Hommes créent leur propre chance » d'après Sartre.

Je vous souhaite un bon Kairos, je vous souhaite d’activer votre chance de l’Homme dès 2024 en étant sensible au beau et aux opportunités qui se présentent. Je vous souhaite alors le courage d’attraper votre Destin par les cheveux pour vous réaliser pleinement.

 

 

Emilie

Un Souffle d’aile©

Les termes Ciel/ Homme/Terre sont précisés en chinois et japonais ici

 

Quelques sources :

Sancai:

Laurent Boucher Formation Bazi

Kairos:

Aristote, Ethique à Nicomaque

Zanshin:

Roland Habersetzer, l'Encyclopédie des arts martiaux de l’extrême Orient, Editions Amphora, 2004

Vidéo de Julien Boucher du CDRAM/ Ronin Martial Production https://www.youtube.com/watch?v=kHzWMbjhgDI

Jean-Marc Chamot https://aikido-asnieres.fr/zanshin-un-etat-de-vigilance-paisible-mais-attentive/

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Représentation de Kairos,

Bas relief de Lysippe, conservé à Trogir, Croatie

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      Elle trône sur une table, dans le jardin, entre mes mains. Irrésistiblement elle attire mon regard à chaque fois qu’il la croise, plus que sa parèdre. Tasse de potier offerte par une amie chère à mon cœur, mon hirondelle, elle va de pair avec sa jumelle, comme en rappel à notre amitié.

      Sa forme ovoïde presque refermée et sa blancheur évoquent un cocon. Les stries délicates ne heurtent pas les doigts mais rappellent le temps du tissage, la lenteur d’élaboration pour arriver à cet objet réconfortant. On plonge alors dans le bleu tacheté - une mise en abyme des gouttes tombant dans le fameux récipient - un océan qui contient le fameux thé, et la rondeur de la forme, des couleurs, créent une harmonie dans laquelle il est bon de s’abandonner. La seconde, identique, est un appel à la rencontre, au partage, une lueur de chaumière dans la nuit qui accueillera toujours un ami, une connaissance, une personne ayant besoin de se réchauffer le corps et le cœur.

      L’accident est arrivé voilà 3 ans, à l’occasion d’une tisane en soirée avec celui qui partageait mon cœur : un déséquilibre, une chute et ce fut la faille. Une disharmonie que je pensais bénigne mais qui avait altéré l’essence. A l’image de ma relation d’alors, le thé fuyait lentement désormais, goutte après goutte, jusqu’au vide. Signe prémonitoire que je n’avais pas su décrypter, je me retrouvais impuissante, n’ayant plus qu’un cœur fendu et une tasse à son image. Les deux me paraissaient inutilisables, vides de sens. Le poème de Sully Prudhomme (1) prenait vie, s’incarnait chez moi. La seconde, pourtant intacte, ne signifiait plus rien.

      Il fallut se résoudre à l’impensable de prime abord : achever la destruction de mes propres mains, regarder les blessures en face. Se contenter des déchirures sournoises était trop douloureux, alors la décision de la ruine totale pour (se) reconstruire fut la seule option. Je finis de briser ma tasse. Les cassures furent nettes, à vif mais saines. Je collectai les morceaux. Et lentement je m’attelai à la reconstruction, à la réparation en utilisant la méthode japonaise du kintsugi. Je pris le temps, je m’appliquai, je voulais sublimer.

      Je bois de nouveau dans ma tasse que je chéris. Je passe mes doigts sur la boursouflure dorée avec un sourire. La cicatrice ne s’effacera pas, elle fait partie du Tout. Et je l’aime ainsi.

      Le thé qu’elle contient a le goût de l’amitié, des épreuves surmontées, de la résilience, de la Lumière qui ne peut surgir que par les failles.

 

(1)Le vase brisé, Sully Prudhomme

Voeux 2024

En ce début d’année 2024 je souhaite vous offrir un Paon : qu’il vous apporte chance et prospérité, immortalité et renouveau. Il est l’assurance que tout ce qui est perdu, les obstacles, les échecs seront remplacés par quelque chose de neuf et d’avantageux. Assimilé au Phoenix qui renaît de ses cendres, il nous invite à laisser le passé derrière nous et à nous transformer pour renaître confiant, dans la meilleure version de nous-mêmes.

« Tout comme la poésie, la sculpture ou la peinture, la vie a ses chefs-d ’œuvres
précieux » (O. Wilde). Je vous souhaite d’esquisser, d’écrire, de modeler le votre en cette année 2024 afin de vous réaliser pleinement.

Et pour finir je vous joins ces quelques vœux qui nous parviennent par-delà les siècles mais qui sont toujours d’actualité :

Ὑγίεια, ζωή, χαρά, εἰρήνη,  εὐθυμία, ἐλπίς !
Santé, vie, joie, paix, bonne humeur et espoir !
 

Prenez soin de vous et des autres

Emilie

(Mosaïque romaine d’Halicarnasse du Ive siècle, écrite en grec, conservée au British Muséum)
Origami paon : Un Souffle d'aile©

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